Le travail de Patrick Bastardoz a initialement était fondé sur l’observation de l’édification de la pharmacopée européenne et des chantiers de constructions sur le site emblématique de la presqu’ile Malraux à Strasbourg, où la verticalité des grues de chantier, la complexité des grues portuaires le disputaient à l’horizontalité des bâtiments qui prenaient forme, couches par couches. Attiré par les nombreuses similitudes existant entre la construction d’un bâtiment et la réalisation d’un tableau, il entreprit alors une exploration sur le sujet, un exercice d’expérimentation et de variation sur le même thème. Ses toiles n’ont pas seulement pour sujet les chantiers eux-mêmes mais bien la Peinture. Des fondations jusqu’aux finitions, les rapprochements sont troublants : Structure et composition, fondations et imprimature (couche de base, souvent sombre dont on « tire » les blancs), murs transparents et glacis, finitions, touche et style etc... « Peintures de chantiers ou chantiers de peinture, la toile révèle ses phases de construction, par la succession de couches transparentes, elles « montent » vers le spectateur et offrent au regard les indices des étapes de leur propre réalisation. Tout comme le chantier d’un bâtiment s’auto-révèle, les toiles montrent ce qui les constitue, le regard attentif du spectateur saura distinguer les diverses étapes de leur construction.
Au fil de ses recherches, d’autres lieux de constructions réels ont nourri son travail, jusqu’à totalement s’effacer derrière l’imagination du peintre qui a crée des compositions architecturales nouvelles, empruntant ça et là des éléments puisés dans sa mémoire visuelle. Le sujet a été enrichi au fur et à mesure avec la peinture de scènes de vue portuaires, de wagons de ballast et de structures métalliques rouillés, de la cathédrale de Strasbourg recouvertes d’échafaudages et tout dernièrement par des tours de Babel. Symboles du gigantisme en lien avec l’actualité de ces immenses tours qui émergent aux émirats ou en Chine, ces édifices se perdent dans les nuages, et deviennent des chantiers permanents.
Le travail de Patrick Bastardoz n’est pas en lien à la mémoire, ni au documentaire. Il a entrepris de peindre cette thématique pour les difficultés picturales qui en découlent. « J’aime me poser des problèmes, des problèmes de peinture. » dit-il. « Je considère ma pratique de la peinture comme un regard permanent vis à vis de l’histoire même de la Peinture. « Je suis sensible au métier, au savoir faire et à la technique picturale, cela passe par du temps passé à regarder la peinture de chacun pour comprendre comment elle fonctionne. »